Numérique responsable

Accessibilité numérique : l’État renforce les contrôles et sanctions des sites non conformes

by Chloé Sarda 25 octobre 2023

Dans le cadre du plan de rattrapage massif de l’accessibilité des sites publics, l’État annonce le renforcement des contrôles en termes d’accessibilité sur les sites. Ces dispositions prendront effet en 2024. Les sanctions prévues pourront aller jusqu’à 50 000€, renouvelables en cas de non-correction après 6 mois.

L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) est désormais compétente pour signaler les manquements passibles de sanction. Pour ce faire, elle devra notamment s’appuyer sur des méthodes de collecte automatisée. L’identification des sites non conformes devrait donc être massive.

L’ordonnance a été signée par le président de la République le 6 septembre 2023 et a pour objectif de renforcer les sanctions appliquées lors de manquements aux obligations d’accessibilité. Cette ordonnance consolide donc la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances.

Le B.A.-BA de l’accessibilité numérique

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Où en est l’accessibilité en France ?

Le Défenseur des droits est une institution indépendante de l’État qui a pour mission de permettre l’égalité de tous et toutes dans l’accès aux droits. En 2022, il publie un rapport sur la dématérialisation des services publics suite à un premier rapport, publié 3 ans auparavant, qui faisait état des évolutions, progrès et reculs observés concernant les services publics.

En France, les services publics jouent un rôle essentiel : ils conditionnent l’accès aux droits, entretiennent le lien social et relient chacune et chacun à l’État. Ils sont tenus de garantir l’égalité des usagers. Le recours aux services publics est une condition indispensable pour accéder à de nombreux droits fondamentaux, tels que le droit à la santé, au logement, à l’éducation, à la justice, à l’hébergement d’urgence, etc.

Incontestablement, la dématérialisation des services constitue un progrès et apporte des bénéfices pour les utilisateurs bien équipés et à l’aise avec le numérique. Pour autant, cela peut aussi creuser des inégalités et augmenter la précarité d’utilisateurs auparavant autonomes, notamment lorsque celle-ci est accompagnée de la fermeture des services physiques, de la perte de contacts humains ou encore que le coût des démarches se reporte sur l’usager (information, équipement, complexité, etc.).
Il existe de nombreux enjeux d’inclusion numérique majeurs, voire vitaux : on peut citer son développement ou encore la réouverture de lieux d’accueil au public. La transition numérique doit se faire au bénéfice de tous les usagers, et non au détriment d’une partie d’entre eux. L’inclusion numérique ne se résume pas seulement au fait de pouvoir accéder à l’administratif.

Quelques chiffres qui en disent long :

  • Seulement 5 % des sites internet publics sont accessibles en 2019,
  • 60% des démarches administratives en ligne ne sont toujours pas accessibles en 2022 comme l’atteste ce suivi trimestriel,
  • 13 millions de personnes sont en difficulté avec le numérique en 2022.

En France, 12 millions de personnes vivent au quotidien avec une ou plusieurs déficiences. Visibles ou non, ces déficiences peuvent créer des situations de handicap dans leur vie quotidienne, notamment dans leurs usages numériques. Les situations de handicap numérique ne sont pas une fatalité ! On peut lire à ce sujet l’article Accessibilité numérique : comment le design inclusif répond au handicap.

Le décret n° 2019-768 du 24 juillet 2019, fixait l’obligation d’accessibilité totale des sites publics au 23 septembre 2020. L’ordonnance du 6 septembre apparaît donc comme un encadrement nécessaire à la réalisation des obligations d’accessibilité.

Est-ce que mon site est concerné ?

Pour faciliter la mise en œuvre de l’accessibilité numérique, la direction interministérielle du numérique met à disposition le Référentiel général d’amélioration de l’accessibilité. Le RGAA présente toutes les obligations légales à respecter et les tests de vérification de conformité. Ainsi, mon service est concerné par l’accessibilité numérique dans divers cas de figure.

Je suis soumis à l’obligation légale, si je suis un service public :

  • De l’État,
  • Une collectivité territoriale,
  • Un établissement public,
  • Une organisation légataire de service public,
  • Une organisation créée pour un besoin d’intérêt général.

Je suis soumis à l’obligation légale, si je suis une entreprise :

  • Privée dont le CA en France est supérieur ou égal à 250 millions d’euros.
  • Privée avec un risque d’accusation de discriminations (service à l’embauche, mise à disposition d’outils de travail…)

Ou simplement si je veux m’engager :

  • Dans une démarche responsable en termes d’accessibilité, de lutte contre l’exclusion, d’éco-conception, etc.
  • De manière éthique et responsable en améliorant mon image, mon audience, ma communication, etc.

Quelles obligations légales dois-je suivre ?

Toujours selon le RGAA, les sites soumis à l’obligation légale doivent fournir un certain nombre de documents attestant de la démarche de mise en accessibilité et du niveau de conformité du site. Les sites non soumis à l’obligation d’accessibilité peuvent évidemment suivre les mêmes directives pour renforcer leur démarche et leur communication.

Publier la déclaration d’accessibilité

La déclaration d’accessibilité représente le résultat de l’évaluation du service numérique :

  • L’état de conformité : conforme, partiellement conforme, ou non conforme,
  • Le taux de conformité : il s’agit de la note obtenue suite à un audit de conformité RGAA,
  • Le lien vers l’audit complet de conformité RGAA,
  • Le signalement des contenus non accessibles,
  • Les dispositifs d’assistance et de contact.

Publier le schéma pluriannuel de mise en accessibilité

Le schéma pluriannuel représente la politique interne en matière d’accessibilité sur 3 ans maximum, déclinée en plans d’actions annuels :

  • L’identification et les missions du référent accessibilité,
  • La stratégie en faveur de l’intégration des personnes en situation de handicap,
  • Les actions de formation et de sensibilisation à l’accessibilité,
  • La stratégie RH et la stratégie financière,
  • L’organisation interne permettant de mettre en œuvre les obligations d’accessibilité,
  • La publication du plan d’action de l’année en cours.

Comment vais-je mettre en œuvre l’accessibilité ?

Dans un projet, l’accessibilité est l’affaire de tous. L’équipe entière doit être sensibilisée et engagée pour améliorer l’expérience utilisateur et l’accessibilité du début à la fin du projet.

1. Identifier le référent accessibilité

Il faut tout d’abord identifier au sein du service, un référent qualifié en accessibilité. Le référent va définir la stratégie, accompagner les équipes à chaque étape et aider aux arbitrages nécessaires. S’il n’y a pas de référent existant, pas de panique, il existe des formations dédiées pour lesquelles il est possible d’obtenir des financements.

2. Sensibiliser les équipes

Dès le début du projet, il faut sensibiliser l’ensemble de l’équipe aux enjeux de l’accessibilité et aux usages des utilisateurs. On peut réaliser des ateliers de travail collaboratifs pour favoriser l’adhésion de l’équipe afin de choisir ensemble un référentiel, définir des objectifs de conformité atteignables et identifier les points vitaux qui seront surveillés en priorité. La vision et la stratégie « accessibilité » doivent être claires et partagées au sein de l’équipe.

Le cas échéant, des formations peuvent être utiles pour compléter les compétences de l’équipe.

3. Suivre régulièrement les avancements

Les points vitaux doivent être expliqués et accompagnés d’une méthode de tests manuels simple et compréhensible par tous, afin de partager la responsabilité du suivi à chaque étape du projet. On peut aussi s’aider de tests automatiques pour surveiller certains critères, mais attention, ces tests ne couvrent qu’une très faible partie de la conformité RGAA et ne seront peut-être pas des points vitaux de l’application.

Le pilotage intégré aux rituels d’équipe permet de suivre ces points vitaux et les arbitrages qui les concernent, tout en garantissant de garder le sujet de l’accessibilité bien vivant au sein de l’équipe.

Des audits rapides (25 critères RGAA) et avancés (50 critères RGAA) peuvent être réalisés par un expert ou un référent à des moments clés du projet pour s’assurer de la tenue des objectifs de conformité. L’outil ARA est très pratique comme support d’audit, il permet de visualiser son taux de conformité et partager le rapport à l’équipe.

4. Vérifier la conformité

À la mise en production de l’application, un expert réalise un audit de conformité RGAA pour compléter le rapport d’audit. S’il n’y a pas d’expert en évaluation dans l’équipe, ce n’est pas un problème, il est même préférable que l’audit soit réalisé par un prestataire externe pour plus d’impartialité.

Suite à l’audit, on doit publier la déclaration d’accessibilité et ajouter la mention accessibilité sur le site. Voici un exemple de déclaration d’accessibilité.

5. Continuer à améliorer

Mis à part dans de très rares cas, il est normal à ce stade que le site ne soit pas 100% conforme. C’est pour cela que le RGAA est le Référentiel général d’amélioration de l’accessibilité.

Dans le rapport d’audit, l’expert donne la liste des erreurs identifiées et propose des solutions de correction, avec des priorités selon les enjeux et les impacts sur l’expérience utilisateur. Ces corrections vont pouvoir être ajoutées au backlog d’amélioration et servir de base pour rédiger le plan d’actions annuel.

Ne le voyez surtout pas comme une contrainte !

Les règles d’accessibilité sont essentielles pour grand nombre d’usagers, elles sont aussi une formidable opportunité pour améliorer l’expérience de tous vos utilisateurs et la qualité du service.

  • UX : l’accessibilité encourage l’utilisation de fonctionnalités profitables et utiles à une expérience utilisateur réussie.
  • SEO : un site accessible est un site compréhensible par tous (humains et machines), dans une démarche de conformité SEO.
  • Audience : rendre son site accessible, c’est augmenter son audience et booster ses conversions, voire son chiffre d’affaires.
  • Éco-conception : l’éco-conception et l’accessibilité numérique sont étroitement liées dans une démarche responsable globale.
  • Réputation : communiquer sur l’engagement de la société permet de la rendre plus inclusive et lui évite plaintes et procès.
Chloé Sarda

Chloé Sarda

Développeuse front-end

Développeur front-end certifiée en accessibilité, qualité web et écoconception, je veille à développer des solutions techniquement performantes et humainement responsables.

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